Le sénateur du Loiret a été nommé au sein du groupe de travail qui doit évaluer leur efficacité et les possibilités d'amélioration.
Remettre en question la fiche S ? Un travail nécessaire pour la commission des lois du Sénat, qui a constitué un groupe de travail sur le sujet. le sénateur du Cher, François Pillet, en sera le rapporteur. Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret, en est pour sa part un membre.Connaisseur du sujet, Jean-Pierre Sueur avait déjà été le rapporteur de la mission d'enquête sur la lutte contre le djihadisme en 2015. La fiche Sûreté de l'Etat soulève beaucoup d'interrogations et de fantasmes. France 3, avec l'aide du sénateur du Loiret, défriche la question.
Une fiche S, c’est une fiche de renseignement. Pour lutter contre le terrorisme et l’insécurité, on a besoin de beaucoup de renseignements. Parce que ces gens sont capables de tout, en tous lieux, donc heureusement qu’on a des fichiers, pour éviter et prévenir les actes terroristes.
C’est une fiche qui recense environ 20 000 personnes*, parce qu’il y a des raisons de penser qu’elles peuvent être en relation avec le milieu terroriste, ou avec différentes formes d’atteinte à la sûreté de l’Etat et à la sécurité publique.
Parmi ces 20 000 personnes, 12 000 environ sont liées au terrorisme radical et à l’islamisme, 8000 pour d’autres types de menaces. Ce qu’il faut savoir, c’est que, sur ces 20 000 personnes, pratiquement aucune n’a commis de crime ou de délit.
*chiffre non-officiel, basé sur des sources policières
Pour la partie de nos concitoyens qui n'a pas de culture juridique, il y a un malentendu. Chaque fois qu’il y a une actualité, on entend partout à la télé, à la radio : telle personne a commis un acte terroriste, elle était fichée S. Et les gens demandent : mais enfin, pourquoi, s’il était fiché S, n’a-t-il pas été arrêté ? Expulsé ? Mis hors d’état de nuire ?
Dans la République Française, qui est un état de droit, il faut pour mettre quelqu’un en prison qu’il ait commis un crime ou un acte délictueux. Il faut la décision d’un juge. Et je le dis très clairement à tous nos concitoyens, tout le monde comprend qu’on ne peut pas punir quelqu’un sur la base de soupçons. On serait dans un état totalitaire.
Il y a des gens qui se retrouvent fichés S parce qu’ils sont sur le téléphone portable de personnes qui ont préparé un acte terroriste. Mais ça peut être le garagiste, le coiffeur, une connaissance qui n’a rien à voir avec le terrorisme ! Il faut être prudent.
Je le crois. En France, il existe une vingtaine de fichiers, qui recensent 400 000 personnes. Certains disent : "Atteinte aux libertés". Je dis : "On a le droit de se défendre contre le terrorisme".
Ce n’est pas très agréable de savoir qu’il y a des fichiers, que son portable peut être écouté, les perquisitions… Mais c’est nécessaire pour protéger les français de ces fous sinistres.
C'est vrai, on ne peut pas surveiller tout le monde c’est impossible. Il faut entre 6 et 8 personnes pour surveiller quelqu’un 24h/24. Le renseignement doit faire des choix. Les terroristes qui ont attaqué Charlie Hebdo étaient ce qu’on appelle des terroristes dormants : ils ne faisaient plus parler d’eux depuis 10 ans. On ne va pas mettre la pression sur des gens qui ne font pas parler d’eux, mais ils peuvent rester dangereux. Cette tâche, ces choix sont difficiles.
A cet égard, les fiches S sont nécessaires, mais il faut sans doute les réformer pour davantage circonscrire le type de renseignement qu’on y rassemble, leur but, et accroître leur efficacité. Notre mission dira avant la fin de l’année quelles réformes il convient de faire pour les rendre plus efficaces.
Il est certain qu’il y a dans les fiches S des personnes qui ont participé à des manifestations altermondialistes, à des actions à Notre-Dame-des-Landes…
Bien entendu, c’est un problème. Là aussi, il faut être vigilant. En tant que parlementaire, je suis très attaché à la liberté d’expression, et si demain vous décidez d’aller manifester, vous en avez le droit, vous n’êtes pas un délinquant et l’on n’a pas le droit de vous soupçonner de délinquance.
En revanche, si vous faites partie d’un groupe de personnes masquées qui veulent introduire dans toute manifestation de la violence, vous reconnaîtrez que c’est autre chose.
La première chose, c'est d'expliquer à nos concitoyens à quoi sert une fiche S. Ensuite, il faut voir s’il n’y a pas une confusion avec d’autres fichiers pour la lutte contre le terrorisme. Est-ce qu’il n’y aurait pas intérêt à simplifier ?
Il y a une autre question, à laquelle je pense souvent : comment faire pour prévenir les attentats ? A l’aide des renseignements, des numéros verts, des réseaux… Et une question qui y est liée : comment faire pour que les jeunes de ce pays ne se radicalisent pas, ne perdent pas tous leurs repères ?
Je pense que ça concerne tout le monde sur le terrain : les parents, les enseignants, les associations… Tout. Il faut leur parler, prendre la chose en main. Il y a vraiment beaucoup à faire.
On auditionnera toutes les personnes qu’il nous paraîtra utile. L’avantage, c’est que nous, parlementaires, avons la liberté souveraine d’entendre qui nous voulons.
Bien entendu, les responsables au plus haut niveau de la police, de la gendarmerie et du renseignement. Mais on peut aussi recevoir des préfets, représentants d’associations qui se préoccupent de ces questions, même des médias, car ils jouent un rôle dans le compte-rendu des faits.
Il y a des maires qui demandent à connaître les fichés S de leur commune. Et d’autres qui se demandent : "Mais une fois que je le sais, qu’est-ce que je peux faire en tant que maire ? Je ne suis pas la police, ni la gendarmerie."
Ce serait plus justifiés qu’on leur donne accès au nom des demandeurs d’emplois… Mais ça se discute ! Ce sera l’un des sujets de la commission.
Bien sûr. C’est pourquoi il y a d’ores et déjà une commission parlementaire de contrôle du renseignement, qui se réunit très souvent. Il est tout à fait clair que la question du contrôle du renseignement est très importante dans une démocratie.
Il est normal qu’on cherche des renseignements, il est normal aussi qu’il y ait un contrôle pour éviter les abus et les détournements.
Si quelqu’un en profite pour surveiller une personne dans le cas de sa vie privée, c’est un détournement de procédure et cela doit être sanctionné. Je suis très clair.